jeudi 2 juillet 2009

LA RETIRADA à Campoussy - Témoignages

Souvenir de la Retirada:

Jeannot GALIAY né en 1928 à Campoussy

Les médias commémorent en ce moment le 70e anniversaire de la Retirada. Leurs objectifs restent fixés surtout vers le Perthus, Prats de Mollo, Les Camps,….

« D'autres villages du département ont vécu eux aussi quelques épisodes de cet événement qui risquent de tomber dans l'oubli.

Ainsi, Campoussy, petit village d’une centaine d'habitants avant la guerre de 1939 - 1945, a participé à l'accueil de ces réfugiés espagnols chassés de leur pays par les événements que l'on sait.

C’est à la fin du mois de février 1939 qu’un groupe d'exilés - une vingtaine de personnes et sans doute une ou plusieurs familles - chassés de quelque hameau catalan a choisi notre village comme terminus de son exode : des personnes âgées, des jeunes gens, des enfants, uniquement des civils.

Ils avaient amené avec eux, tout leur bétail : des troupeaux énormes de moutons et de chèvres (300 moutons, 150 chèvres), des vaches et des chevaux.
Bien que surpris par cette arrivée brutale, les habitants du village les ont reçus du mieux qu’ils pouvaient.

Le problème a été de moins de loger les personnes que de mettre à l'abri et de nourrir ces quantités impressionnantes de bétail.
Les moutons et les chèvres, le village en avait l'habitude. Mais, les vaches et les chevaux en si grand nombre que les écuries et les étables manquaient. Il a fallu ré-ouvrir les « cortals » souvent abandonnés et situés à quelques kilomètres dans la montagne de Roque Jalère.
Ces réfugiés ne sont pas fixés au village. Il n’y sont restés que quelques mois seulement. Dès le début de l'été, ils sont redescendus dans la vallée pour redémarrer une nouvelle vie. Une famille avait choisi de vivre à Espira de Conflent.

Plus tard, vers le mois de juillet 1939, deux jeunes soldats ont fait étape à Campoussy pendant quelques jours. Ils voulaient se rendre en république argentine. Y sont-ils arrivés ?
Enfin, vers le mois de novembre 1939, un centre de travail fut créé à Campoussy pour 250 réfugiés hommes, encadrés par quelques soldats français - un capitaine, un lieutenant et des sous-officiers.
Un gros camion à gazogène arriva chargé d'outils divers : des pelles, des pioches et des échafaudages. Le groupe fut divisé en deux parties ; l'une basée au village, l'autre à Palmes, ferme fortifiée à quelques kilomètres du village. Ces réfugiés ont construit une route reliant le village au site de Palmes : route toujours existante et améliorée depuis.
A Campoussy, aujourd'hui les témoins de ces épisodes se comptent sur les doigts d'une main. C’est la raison de cet article afin que la mémoire ne s'efface pas. »

Maurice GELIS né en 1928 à Campoussy.

« J’avais dix ans à cette époque et je raconte quelques-uns de mes souvenirs.

Depuis quelques mois on voyait des gens passer à travers la montagne. Parfois ils n’étaient que quelques-uns mais parfois c’était les familles entières composées d’hommes, de femmes et d’enfants.

Mais un jour est arrivé un troupeau impressionnant au village. Vint cinq hommes avec femmes et enfants que l’on logea au presbytère avec 75 chevaux, 150 chèvres et 300 brebis. Tout le village était débordé de bêtes. Il y avait même un petit poney avec lequel un jeune garçon se promenait toute la journée.
La matin du mois de mars il y avait de la neige et les brebis ont été obligées de planter leur nez dans la neige pour manger. Après quelques temps passés au village, ils partirent.

En 1940, c’est une compagnie de 250 hommes espagnols qui arrivent. La moitié part sur Palmes et l’autre reste à Campoussy. Puis un grand camion à gazogène chargé de brouettes, de pioches et de sabots. Ils sont encadrés par des soldats français. Ils construisirent la route de Palmes et arrachèrent tous les cistes pour faire du charbon afin de faire marcher le camion. »

Abeline PALMADE née en 1917 à Campoussy

« A cette époque, des Espagnols étaient venus se réfugier à Campoussy.
Certains étaient venus avec un gros troupeau de brebis, de chèvres, il y avait aussi des chevaux.
On leur a prêté la Bourdette (à l'entrée du village) pour qu'ils puissent y parquer leurs bêtes. On n'avait pas trop de fourrage à leur procurer; tant qu'on en avait, on leur en donnait.
Avant qu'ils ne repartent, papa leur a acheté un cheval pour remplacer le sien qui était vieux. Ce cheval n'était pas très gentil, mais on l'a quand même gardé !

Ils ont habité au presbytère (à côté de l'église) et d'autres étaient logés chez l'habitant. S'ils avaient faim, on leur donnait à manger: des betteraves, des tomates, des topinambours ...
Il y en avait un qui était logé à la maison; quand on lui faisait cuire des œufs. il était content.
Il y avait un chef de groupe qui parlait bien Français. un peu mélangé avec l'Espagnol, mais on le comprenait.

Il commandait les autres.
Un Français (M. Cartier qui venait de Béziers) qui était à cette période à Campoussy, commandait les Espagnols, ça lui faisait du travail !
Ils étaient vaillants. Il y avait un paysan qui était très gentil, qui, quand je fauchais les prés, me disait: «Rentrez! Allez à votre maison. je vous remplace !».
Un autre venait à la maison pour enlever le fumier du cheval, du coup on lui donnait à manger; il était content. le pauvre ! Ils sont restés toute une année au moins.
Il y avait des familles, des jeunes, des vieux.
Certains recevaient d'Espagne des colis contenant du coton, de la laine ... Les femmes tricotaient et certaines se faisaient des bas en coton.

Une petite anecdote:
L'un d'eux que l'on surnommait "Sombrero", du fait du grand chapeau qu'il portait avait la pelade et il était chauve. Aucune fille n'osait s'approcher de lui, elles l'évitaient. D'ailleurs, "Sombrero" se cachait. il avait aussi peur des filles!
Ils ont eu une mauvaise passe. Ils étaient malheureux.
Après, ils sont repartis ...
Avec mes mots

Josette CHAMBEU née en 1926 à Campoussy.

« En 1940 étant orpheline je n'habitais pas à Campoussy mais chez ma tante à Sournia. Cependant, je montais toutes les semaines pour voir la maison où j'étais née à Campoussy.
Les réfugiés espagnols ont été très bien reçus par les habitants du village et ils ont logé chez eux pendant un an. Ils ont occupé le rez-de-chaussée du presbytère, la maison d'Adeline (aujourd'hui la maison Mouyen) et chez Ménine.
La moitié des réfugiés ont été logés dans le village et l'autre moitié habitait à Palmes. La maison de mes parents avait été réquisitionnée mais elle n'était pas habitée.
Les réfugiés espagnols ont construit le chemin de Palmes entre le deuxième ruisseau avec le pont en bois et le château. Ils étaient encadrés par le mari de Jeanne Gélis, natif du Jura. Les réfugiés espagnols arrachaient les cistes pour faire du charbon de bois.

Ce n'est qu'en 1975 que la liaison a été faite entre le chemin à la sortie de Campoussy et le pont en bois de Palmes.